- Pourriez-vous enlever la nappe ?
- Pardon ?? Ce n’est pas autorisé de pique-niquer ?
- Si ! Mais pas avec une nappe !
- La nappe gêne ?
- Oui, c’est la nouvelle réglementation du Palais-Royal.
- Mais c’est écrit nul part. Contrairement aux vélos et trottinettes interdits, qui pourtant roulent à toute vitesse dans le jardin ?
- Je ne peux pas être partout.
- Oui mais pourtant ça roule beaucoup dans le jardin !
- Je suis un agent assermenté et vous ne pouvez pas me parler ainsi ! D’ailleurs je vois que vos enfants ont des raquettes de badminton, qu’ils n’y jouent pas, ce n’est pas autorisé. Ni le ballon, ni la pétanque, ni les raquettes de tennis, ni…
- Vous aussi vous êtes ni…ni ?! Pardon, où diable est-ce écrit ? - Partout !
- Montrez-moi ?
- Je ne peux pas être partout ! Allez voir vous-même !
- En quoi le badminton est-il gênant ?
- Il abîme le sol. - Mais si le skate est interdit, les trottinettes qui roulent à tout va et les chiens qui font leurs besoins partout dans le jardin, ce n’est pas également répréhensibles ?
- Non, les roues des trottinettes en gomme n’abîment pas la pierre au sol… Et les chiens, ce sont… les chiens !
Sic.
Ah Patience, mère de toutes les vertus !
Ah maire de Paris, mère de tous les vices ! Que n’avons-nous donc fait pour mériter une ville si sale, si indisciplinée et désormais des espaces publics où cohabitent incohérence et réglementation inappropriée.
Et pourtant Pâques est là avec son ciel bleu cristallin qui donne aux jardins parisiens un air, que l’on croyait -un temps pas si loin- à jamais disparu : léger et printanier ! Pas de masque sur le visage, des sourires sur les lèvres, des enfants courant et jouant, des parents heureux, des chasses aux œufs adorables réhaussées de cris d’enfants, des voix d’opéra qui s’élèvent sous l’écrin majestueux du Palais Royal, endroit de prédilection où l’écho résonne dans les galeries comme par magie…
Bref, un air de Pâques suspendu dans le temps, affranchi d’un calendrier pourtant pas très sexy, coincé entre le premier tour des élections présidentielles, la guerre en Ukraine et le deuxième tour du scrutin ! Ouf ! Pourtant ce dimanche de Pâques avait tout pour lui cette année, tout pour être un jour de fête : un temps de rêve, une pandémie en passe d’être derrière nous et un avant-goût de vacances (pour les parisiens) avec des températures aussi douces que réconfortantes. Mais voilà que Madame Réglementation s’en mêle avec des nouvelles interdictions made in Palais Royal et qui exclut tout ce qui est bien de faire dans un jardin ! Mon dieu, sommes-nous tombés si bas au point que Richelieu qui avait construit en 1628 le Palais Cardinal (donné au roi Louis XIII en 1636) et qui deviendra le Palais-Royal, doit drôlement sursauter dans sa tombe ! Le spectacle a toujours été présent au Palais-Royal. Richelieu avait son propre théâtre, Molière reprit la salle en 1660. L’histoire moderne de la Comedie-Française y débute en 1799. Le théâtre Montansier inauguré en 1790 et devenu théâtre du Palais-Royal privilégie lui le théâtre de boulevard. La dernière grande date du Palais-Royal est l’installation en 1986 des Deux Plateaux de Daniel Buren dans la cour d’honneur. Tout cela pour dire qu’aujourd’hui, près de 400 ans plus tard après sa création, si les cloches de Pâques ont chassé masques et pandémie, les rires et les jeux d’antan se doivent de résister pour garder une place royale au sein de ce palais, jardin sacré à jamais remarquable ?
Barbara Delaroche