Ils sont là. Ils traînent des pieds. N’avancent pas beaucoup. Veulent s’assoupir. Baillent aux corneilles. Essaient de trouver la meilleure place sans émettre le moindre son. Quelle "gueule" ! Ils guettent leurs proie. Lancent des regards furtifs. Restent sur leurs gardes car le moment opportun, ils pourront enfin reprendre pleinement leurs activités... être rivés sur leurs portables ! Les hommes sont devenus une espèce d'animaux. Bruts, plus sauvages que libres.. Plus sauvages que domptés. Pas des âmes de chasseurs, non, plutôt une meute sans chef. Le comble ? Les mots, la richesse inouïe de la parole, ce luxe absolu, a disparu dans leur mutation qu'ils pensent positive ! Normal, ce sont des nouveaux animaux !
Ils ne parlent donc plus, s'expriment rarement. Et pourtant la parole et langage, c'est ce qui nous différencie des animaux. Vous me direz, les animaux communiquent bien entre eux...Oui, mais les performances intellectuelles de l’humain sont différentes et c’est sûrement là la principale dissemblance entre nous et les autres primates (ndlr : muséum d'histoire naturelle). Ainsi, chez ces ex-humains , plus rien ne sort de leur bouche : ni bonjour ni au revoir, ni veuillez m'excuser, ni pouvez-vous ouvrir la porte, ni puis-je sortir, ni pouvez-vous me laisser passer ? Ils vont et viennent, prennent le métro, vont au travail ou ailleurs, mangent presque réglés comme des horloges, deviennent hagards quand ils ont faim, font la queue des heures pour assouvir leurs fantasme de gourmandise , pour finir par manger à leurs bureaux - devenu leur antre - ou à une table avec leurs congénères ou vautrés par terre,
Dans le métro, dans le bus, dans la rue, en vélo, bref dans la ville Ils ne s’excusent plus. Ils vont et viennent tels des animaux en liberté. Ils font ce qu'ils veulent. Ils ont tous la nuque rivée sur leurs écrans. Tant pis pour cette écologie-là, (les data), elle ne les intéresse pas. Ils préfèrent l’écologie culpabilisante ! Celle qui vous condamne si vous ne consommez pas 100% bio (pourtant sous serre!), si vous n’utilisez pas des couverts en bambou (bourrés pourtant
de plastique), si vous ne buvez pas dans un verre en carton (pourtant plastifié !), si vous ne faites pas vos courses avec un sac en osier, si vous ne buvez pas dans une gourde (made in China !), etc. Bref, un monde dénué de bon sens et truffé d’eco gestes qui amenuisent la raison, et la responsabilité citoyenne.
Est-ce à dire que les hommes sont redevenus des primates ? Peut-être. Les poils poussent, même sur les jambes des femmes et des adolescentes, les cheveux redeviennent des crinières, avec parfois des couleurs comme des signes d'appartenance à des tribus, les tatouages habillent a outrance les corps sans être pour autant des symboles de puissance ou de croyances, en hommage à des dieux passés, les barbes poussent sans être taillées dans une anarchie repoussante qui n’invite surtout pas à faire la bise, la peau est sale, les dents jaunes. L’odeur sans parfum. Les ongles sont noirs et longs. Les pieds sont de plus en plus immenses. Et surtout la parole n’est plus que grognements… oui les primates reviennent.
On écoute de la musique par terre, on mange par terre, on éructe par terre et quand don parle c’est pour grommeler des mots incompréhensibles ou si pauvres : wesh, du coup, moi perso, what, etc.
Et que dire lorsqu’ils sortent leurs animaux ?
Ils sont tirés en laisse par leurs chiens en quête de liberté, de leur chiwawa à leur Huski (chien de traîneau devenu par pure égoïsme humain chien urbain). Les animaux - à quatre pattes - urinent partout, sur les pas de porte, sur les poubelles sorties, sur les trottoirs, sauf dans les caniveaux. Les autres animaux -à deux pattes- eux vapotent leurs cigarettes électroniques, rivés sur leurs portables avec des petits sacs pour ramasser ce qu’ils peuvent de leurs chiens ou sinon se siciabilisent! Oui avec leurs congénères aussi propriétaires de chiens. Et là c’est le pompon : les chiens aboient et hurlent à la joie des heures dans les squares où vous habitez et jadis calmes et champêtres. Et oui ? Vous n’êtes pas au courant ? Les chiens en appartement parisiens - pas très grands pour eux - ne suffisent pas à leur cardio les propriétaires ont trouvé la solution : ils les font subir aux autres en les sortant des heures dès les premières chaleurs de printemps. Et comme nous nageons en plein réchauffement climatique, autant dire que dès mars les concerts canins et nocturnes sont légions. Ne stressez pas il y en a tous les soirs et à toute heure jusqu’à minuit ! Même si vous dînez dehors, vous ne raterez rien du concert en revenant chez vous !! Et dire que pendant ce temps-là des dizaines d’espèces disparaissent peu à peu de notre quotidien : tigre et éléphant de Sumatra, Gorille du fleuve Cross, poisson lune, baleine bleue, raie manta, kakapo, hippocampe, harfang des neiges, requin baleine… l’homme, malgré tout son génie, son invention, ses prouesses historiques, technologiques et surhumaines, s’oublie. Il s’oublie, en perd la parole ou crie à tort et à travers au nom de l’écologie. C’est son attitude délétère qui met en en danger sa condition et avec lui toute la chaîne : les espèces animales et la nature dont il dépend pourtant étroitement. Les règnes s’effondrent. Des animaux, l’homme est en train d’en prendre ses grognements et de la nature, son insolence farouche.
Barbara Delaroche