Les piétons sont sur la route - trottoirs trop ringards - traversent sans regarder, râlent sur les voitures qui les frôlent, marchent hors des passages dediés… et ne savent plus la différence entre voitures et piétons. Ils roulent à pied ! Les voitures, elles, roulent vite, mal, à cheval sur la voie de bus. Les trottinettes prolifèrent comme du paturin. Les vélos sont en roue libre en sens interdit. Les scooters tous azimuts. Les badauds le nez en l’air, les pressés le nez en bas ! Bref, personne n’est à sa place. C’est le printemps !
- « Je peux m’asseoir pour un café s’il vous plaît ? »
- Oui mais combien de temps vous restez, j’ai du monde ! »
Je croyais que les restaurateurs rêvaient de nous revoir depuis le déconfinement ! Qu’ils se languissaient de nous accueillir le sourire aux lèvres, le limonadier dans la poche et les yeux pétillants… pour booster le business et bosser à tout va ! Pas partout en tous les cas… C’est le printemps !
Coté nature, jonquille, coquelicots, cerisiers du Japon, sont en fleurs. Petits et frêles Moineaux repointent le bout de leur bec, dès la rosée du matin, frétillants et s’égosillant à tue-tête tout au long de la journée… mettant une bonne raclée aux corbeaux qui mangent macdo, rôdent à côtés des restau et mettent à mal la faune parisienne. Tout de noir vêtus, ils croassent comme des rabat-joie : crôa, crôa… infatigablement de nuit comme de jour ! Ah oui, ouf, c’est le printemps !
Poubelles à ciel ouvert, odeurs pestilentielles et scènes ubuesques entre apéro de bobos au milieu de travaux ou pique-nique même basique sur des bancs taggés par les pigeons, trottinettes étalées parterre comme un Mikado de fer géant où chacun pioche sa monture, lunettes de soleil aux yeux, bonnet pour le style et tatouages pour la forme, trottoirs défigurés jonchés de mégots et masques chirurgicaux, quel printemps !
« Allo ? Oui, oh écoute ça va, t’es où ? Ouais ! Trop beau ! Je suis dans le métro et toi ? Quel métro ? Quelle station ? On se retrouve ? Cool ? À quel métro ? Quelle station ? ». Pour celles et ceux qui nous font participer - bien malgré nous - à leurs conversations comme une cascade d’onomatopées, dans les métros bondés ou
aux terrasses des cafés, déjà au bord de la crise de nerfs pour cause de « trop de
clients » : Pitié, assssssssez ! C’EST LE PRINTEMPS !
Exit la Covid 19, le pass vaccinal puis le pass sanitaire… pas le temps d’en profiter, ni de découvrir des visages plus morcelés, en entier, voilà que c’est la guerre en Ukraine. Plus de masques chirurgicaux mais le masque tout court. Sur tous les visages pour cause de flambée des prix, menaces alimentaires et images insoutenables. Marioupol, Kiev… Horreur, peur, terreur, malheur. Triste printemps !
20, 17, 12, 9, 3, 1… degré ? Non. Le prochain jack pot au loto ? Non plus. Seulement des pourcentages qui oscillent, jonglent sous nos pieds, et s’invitent dans tous les médias. Et si la campagne présidentielle, c’était comme un printemps sans bourgeons, sans vraies promesses de renouveau ? Parce qu’au-delà des statistiques, il y’en a une qui se la coule douce mais qui se prépare à rentrer en action et à faire mal, c’est l’abstention…l’outsider, potentielle gagnante ?
Alors, bas les masques, parce qu’il n’y a pas que le printemps… du cinéma ! Il y a aussi l’été dans trois mois !
Barbara Delaroche