Maminute.com / « C’est la watt ! »

Comme le slogan mythique de RTL, j'imagine ce qui nous attend dans quelques mois à l'aube de l'hiver : "Bonjour, il est 7 heures, on coupe tout !". Un lancement de journée anxiogène qui pourrait ressembler à... Attention éteins ! Allume ! Chauffe ! Baisse ! Décale ! Réchauffe ! Rallume ! Coupe ! Fais partir ! Déclenche ! Arrête ! Voilà la météo de l’électricité qui déboule dans nous  foyers à l’aube de l’hiver… Avec tout son champ lexical angoissant qui se profile à petit pas - à l’image des douces températures d’octobre - mais qui approche sûrement avec sa trêve des confiseurs version énergétique.

On connaissait le sacro saint bulletin météo qui avait fait son apparition en février 1958 en France, alors pionnière en son temps ! Oui, vous m’avez peut-être oublié mais après la BBC, nous étions l’un des premiers pays à diffuser à la télévision un bulletin météo quotidien (ndlr : après les États-Unis, le Canada et la Grande-Bretagne), qui aujourd’hui, plus de soixante ans après, demeure un rendez-vous incontournable et attendu par des millions de français. Encore plus à l’heure d’été avec les sécheresses -pas toujours annoncées- et les inondations - pas toujours prévues-. Bref… mais là, se dire que nous nous aventurons dans une Météo de l’électricité… l’euphorie est moindre. Voire austère : l’idée même est desoeuvrante et pas très rassurante.

Imaginez. Le matin, plutôt que de passer la tête par la fenêtre pour voir le temps qu’il fait, il faudra en parallèle mettre la tête dans le placard pour voir le débit de nos compteurs. Quitte à se prendre quelques ondes en direct face à notre compteur Linky inspecté de près, sans lumière.

Trop chère. Il faudra reprendre chandelles,  flambeau, candélabre, girandole ou bougeoir à une seule bougie du 18e siècle - très romantique sur le papier mais peut-être pas dans le concret - et marcher à la bougie quand le jour ne sera pas encore levé.  Helas pour les quelques maladroits que comptent cette terre comme moi, je crains dès le matin ici et là des scènes ubuesques : à mon réveil, je le sais un jour ou l’autre certain, je butterai dans la porte de ma chambre avec ma bougie, la ferai couler sur mes mains, crierai et réveillerai la maison, lâcherai la bougie qui tombera sur mon parquet en bois massif où la cire brûlante éclaboussera tout le sol immaculé. Alors sur un refrain désuet qui faisait «  à la clairefontaine, m’en allez promener, j’ai trouvé l’eau si claire que je m’y suis baignée », chanson française traditionnelle venant d'un poème anonyme écrit entre les XVe et XVIIIe siècles, j’irai à la salle de bain me laver dans le froid de l’aube car le chauffage, qui sera hélas coupé, n’offrira pas de l’eau chaude, mais heureusement, ma peau ultra réveillée et vitaminée tellement l’eau sera gelée, sera éclatante !! C’est alors que m’essuyant le visage, je buterai dans le pichet d’eau, renverserai le tout sur mon carrelage… heureusement j’aurai tellement épongé pour réparer ma bêtise que j’aurai chaud ou que je n’aurai plus froid comme vous le souhaitez… ceci dit, dans le monde d’avant, j’aurai pris sans hésiter une douchette après avoir tant transpiré. Mais que nenni ! La météo de l’électricité ne l’autorise pas. Alors, tels mes

souvenirs d’été dans l’eau de mer bretonne,

je mettrai en pâture mon corps sous le jet d’eau glacée, et après la sensation d’électrochocs, tonus, peps et vitalité m’aideront à affronter la dure journée !

Dans les classes, les petits auront froid. Le matin, j’aurai préparé pour chacun de mes enfants, une pile de pulls et de damart… j’aurais peut-être même cédé au col roulé préconisé avec ironie jadis par un gouvernement insensé. Qui sait si je ne me serai pas mise aussi au tricot ? Mes adorables enfants me regarderont avec tendresse quand le jour-J, je leur tendrai de gros pulls tricotés avec des mailles de laine chaude… mais hélas les chérubins écarquilleront les yeux quand ils verront que je n’ai pas pu « arrêter » le pull d’où les bouts de laine qui pendouillent… « Désolée les enfants, maman n’est pas mamita, et ne sait faire que le point mousse ! ». Je sais qu’ils comprendront et ne me diront rien, trop heureux d’avoir chauds. Pour la cuisine du soir et du week-end, j’irai qui sait avec mon mari dans les rues de Paris récupérer ici et là quelque branches de bois sec, pour faire un petit feu sur les pavés de notre rue, en bas de la maison, pour cuire la viande achetée. Nous descendrons vers 20h à la place du Jt du soir, et reviendrons avec la viande cuite à 22h… mince les enfants se sont endormis et n’ont pas mangé ! C’était trop long. Je ne pourrai même pas leur réchauffer demain ? Le Micro onde consomme trop de watts… idem pour les chauffages sous embargo : impossible de mettre une côtelette dessus ! Non, il faudra opter comme les américains pour les pains de viande, appelé « meat loaf », constitué d’un mélange de viande hachée, de mie de pain trempée dans du lait, d'oignons, d'œuf et de diverses épices, cuit au four ou en marmite. Ça sera long sur le réchaud mais il faudra essayer. Et puis ça doit bien caler ! Pour le dessert, j’opterai pour une glace. Comme le frigo est arrêté car trop energivore, je laisserai la Glace dehors comme il fait froid dans la maison, ce sera un peu notre Madeleine de Proust à nous, une cuillerée glacée qui fond dans la bouche pour nous donner du réconfort… 

Comme un nouveau rituel, le soir, nous ferons comme le dessin animé - finalement visionnaire- des studios DreamWorks Animation, « Les Croods » : nous dormirons comme nos ancêtres préhistoriques, entassés les uns sur les autres comme pour nous réchauffer. Ah et puis, j’oubliais, on écoutera religieusement la météo de l’électricité, comme la messe du soir. On priera pour avoir des watts le lendemain et on s’endormira tous crevés d’avoir comme nos ancêtres, marché des kilomètres à pied pour aller au travail, fait des heures la cuisine au réchaud ou au feu et j’en passe des histories à dormir debout, des vertes et des pas mûres plus belles ! Y a pas à dire, c’est vraiment pas la watt !

Barbara Delaroche