top of page
Rechercher
  • barbaradelaroche

L’itw DayByDay / Vincent Mauchamp : « Les convoyages d'enfants malades sont toujours éprouvants »

Dernière mise à jour : 15 avr.

Journaliste, acteur, animateur(trice), écrivain, directeur(trice) marketing, sportif(ve), responsable communication, avocat(e), maquilleur(se)... retrouvez chaque jour des personnalités aux jobs et aux profils variés qui vous racontent leurs quotidiens forcément passionnants. Découvrez aujourd’hui un témoignage inédit.

Au centre : Vincent Mauchamp, bénévole de l’association ASF auprès d’enfants malades.

Aujourd’hui : Vincent MAUCHAMP, bénévole auprès de l’Association Aviation Sans Frontieres (ASF).

Présentez-vous en quelques mots professionnellement ?

Vincent Mauchamp : Après mes études en école de commerce, je souhaitais travailler dans une compagnie aérienne car j'ai toujours été attiré par l’aviation. Non pour les aspects techniques mais pour la dimension voyage. Via mes différents postes au sein d'une grande compagnie aérienne, United Airlines, pour laquelle j'ai travaillé pendant près de 25 ans, j’ai pu voir beaucoup de facettes de ce métier essentiellement en tant que Pricing Manager (politique tarifaire) et Responsable des Partenariats Stratégiques (dans le cadre d'une Joint Venture avec d'autres transporteurs). Mais la crise sanitaire a entraîné de nombreux licenciements dans ce secteur et je suis actuellement dans une phase de transition vers de nouvelles responsabilités.




Parlez-nous d´Aviation Sans Frontières dont vous êtes bénévole. Comment avez-vous découvert cette ONG dont le slogan est « Les Ailes de l'Humanitaire » ?

Aviation Sans Frontières a été fondée il y a plus de 40 ans par d'anciens pilotes d'Air France qui souhaitaient mettre l'expertise de l'aérien au service de l'humanitaire. Ses actions sont aujourd'hui très diversifiées : Missions Avions en République Démocratique du Congo et en Centrafrique au profit de populations inaccessibles (en partenariat avec l'ONU, l'UNHCR, l'OMS), Accompagnement d'Enfants Malades en urgence de soins (650 prises en charge par an réparties sur 1200 missions environ), Accompagnement de Réfugiés (plus de 4000 personnes par an, en partenariat avec l'ONU), Messagerie Médicale (envoi de plus de 8000 colis de médicaments et matériel médical), Frêt Humanitaire (plus de 32 tonnes par an), Missions France (découverte aéronautique pour près de 1300 personnes par an en situation difficile, le plus souvent handicapées), et plus récemment Missions COVID-19 (accompagnement des soignants de l'AP-HP, en Ehpad et accueil des patients dans les centres de vaccination). ASF est présidée par Gérard Feldzer depuis le 1er avril 2019 et parrainée par Thomas Pesquet et Anggun. J’ai découvert ainsi Aviation Sans Frontières en 2009 lors d’une présentation qui nous a été faite à l’occasion d’une formation destinée aux personnels de compagnies aériennes.

Pour quelle raison précise vous êtes-vous engagé ?

Le monde de l'aérien est une grande famille et nous sommes environ 800 bénévoles chez Aviation Sans Frontières ! L'association m'a tout de suite plu de par toute l'aide que l'on peut facilement apporter à des personnes en détresse, en donnant un peu de son temps. Mon engagement s'est porté sur les convoyages d'enfants malades ou de réfugiés puisque la seule condition pour être bénévole est de travailler dans une compagnie aérienne (ou être ayant droit de personnels) afin de pouvoir utiliser ses billets de faveur (billets GP) lors des accompagnements.

L’association, née en 1980 suite à la prise de conscience des pilotes et mécaniciens d’Air France que la communauté de l’aviation avait un rôle spécifique à jouer dans les opérations humanitaires, est aujourd’hui un acteur essentiel de la chaîne humanitaire internationale. En quoi consiste concrètement votre rôle : accompagner des enfants malades ?

Le convoyage d'enfants malades est en effet une activité essentielle chez Aviation Sans Frontières : nous assurons l'accompagnement d'enfants en urgence de soins pour lesquels une intervention chirurgicale lourde ne serait pas envisageable dans leur pays d'origine. Il s'agit en grande majorité de pathologies cardiaques (interventions à coeur ouvert) mais aussi de chirurgie orthopédique ou reconstruction faciale. Ces enfants sont pris en charge par des associations caritatives telles que La Chaîne de l'Espoir, Mécénat Chirurgie Cardiaque ou Terre des Hommes (pour ne citer que les plus grandes) qui nous demandent de les accompagner depuis leur pays d'origine vers la France ou la Suisse principalement, où se déroulera leur intervention.



Des souvenirs marquants ?

Beaucoup oui ! Surtout lorsque l’on est convoyeur depuis plus d'une dizaine d'années ! Ces enfants de tous âges (de quelques mois à 18-20 ans) n'ont jamais quitté leur pays ou leur village, ni pris l'avion et n'ont tout simplement pas été confrontés à notre mode de vie. Manger avec des couverts un plateau repas « occidental » peut s'avérer être un challenge, l'utilisation de toilettes dans un avion avec un système d'aspiration puissant est effrayant (en brousse on fait ses besoins au fond d'un trou creusé dans la terre), certains enfants n'ont jamais porté de chaussures aux pieds, le franchissement des escalators ou des tapis roulants est toujours problématique, etc. Sans parler du fait que beaucoup d'entre eux n'ont jamais vu ni côtoyé de blancs. Bref, le convoyeur doit avoir un rôle tampon entre deux mondes pour s'assurer que le voyage se déroulera dans les meilleures conditions afin de minimiser le choc auquel ces enfants doivent faire face.

Quelles relations tissez-vous avec eux ? La barrière de la langue est-elle un frein ?

La barrière de la langue n'est jamais un obstacle (à bord nous faisons souvent appel à des passagers qui parlent le même dialecte) et le lien que nous avons avec eux durant les longues heures de voyage est très particulier : ils ne nous connaissent pas mais en même temps, nous sommes le seul trait d'union entre leur famille (que nous avons rencontrée à l'aéroport) et l'inconnu qui les attend dans un monde dont ils ignorent tout. Beaucoup m'appellent « tonton » quand ils sont francophones.

Gardez-vous contact avec certains d’entre eux, une fois rapatriés ?

Il m'arrive en effet de garder contact avec certaines familles qui me donnent régulièrement des nouvelles. Cela nous permet de réaliser à quel point l'opération a changé leur vie.

Des exemples en tête ?

Un jour j'ai ramené en France une petite fille tchadienne victime d'un grave accident de vélo qui lui avait occasionné plusieurs fractures aux mâchoires : il a fallu l'alimenter pendant le vol par les 6mm d'ouverture qui restaient entre ses dents inférieures et supérieures... ça a pris un certain temps et le vol de nuit N'Djamena-Paris est passé très vite ! Et puis aussi lorsque j'ai raccompagné une adolescente guérie à Dakar. Alors que nous étions en vol au-dessus de Nouakchott en Mauritanie, elle feuillette le magazine de bord et me demande ce qu'est un cockpit. Après lui avoir décrit le poste de pilotage, je suis allé voir la chef de cabine pour demander si une visite serait possible. Le commandant de bord a accepté de prendre cette jeune fille dans son cockpit, lui a tout expliqué sur le fonctionnement de l'avion, la météo, le type d'approche sur l'aéroport de Dakar et l'a gardée avec lui jusqu'après l'atterrissage. Inutile de vous décrire la joie dans les yeux de cette ado quand je l'ai récupérée à la descente de l'avion !



Émotionnellement, ça doit être éprouvant… Toutes les missions se passent toujours bien ?

Les convoyages d'enfants malades sont toujours très éprouvants : quand on doit ramener un enfant en France, la séparation est parfois compliquée, voire très difficile et on doit gérer au mieux cette phase délicate même si on sait qu'elle est indispensable car l'opération est synonyme de survie. Quand on a la chance de raccompagner des enfants guéris, l'émotion est tout aussi intense lors des retrouvailles à l'aéroport après un séjour de 8 semaines environ loin de chez eux. La très grande majorité des missions se passe bien, certaines étant plus tranquilles que d'autres (les écrans vidéo individuels font souvent merveille...) selon que l'enfant est serein ou angoissé. Il nous arrive de devoir faire face à des situations d'urgence, notamment pour les transferts sous oxygène, mais nous sommes sensibilisés aux gestes de premier secours et pouvons toujours compter sur l'assistance des équipages en cas de besoin. Certains convoyeurs sont même médecins, infirmiers ou formés à l'utilisation des concentrateurs en oxygène (ce qui est mon cas). Ces bénévoles se chargent généralement des cas les plus graves. Une autre difficulté que nous rencontrons parfois est à l’arrivée : une fois en France, il se peut que le diagnostic médical soit revu et que l'équipe chirurgicale décide finalement de ne pas opérer car l'intervention serait vouée à l'échec… Dans ce cas, nous avons la lourde tâche de raccompagner dans son pays un enfant non guéri et pour lequel les chances de survie à terme sont limitées. Ce sont des retours moins joyeux…

Vous intervenez partout dans le monde ?

Les enfants en urgence de soins sont principalement originaires de pays d'Afrique mais aussi du Moyen Orient, du Maghreb ou encore d'Haïti par exemple. Ils sont majoritairement opérés dans des CHU en France mais également en Suisse pour certains d'entre eux. Nous les accompagnons jusqu'à Genève dans ce cas.

Combien dure une mission en général ? C’est vous qui la choisissez ?

Les missions d'accompagnement d'enfants malades sont extrêmement rapides : nous faisons presque toujours l'aller-retour avec le même avion, le plus souvent nous restons seulement quelques heures sur place, le temps de la rotation de l'appareil. C'est ainsi que le convoyeur que je suis a mis les pieds dans presque tous les aéroports d'Afrique de l'ouest, sans connaître les pays ! Évidemment, il ne s’agit pas de faire du tourisme aux frais d’Aviation Sans Frontières. Les vols pour l'Afrique quittent généralement Paris en fin de matinée ou début d'après-midi, se posent à destination en soirée, redécollent vers minuit pour atterrir à Paris tôt le lendemain matin. Nous enchaînons donc toujours un vol de jour et un vol de nuit. Aviation Sans Frontières nous « déclenche » souvent une quinzaine de jours avant la mission : nous nous occupons alors des formalités (demande de visas dans les ambassades ou consulats, billets d'avion, etc) puis nous prenons contact avec les familles d'accueil en France (s'il s'agit d'un retour d'enfant guéri) pour fixer un lieu et une heure de rendez-vous à l'aéroport. Nous ne choisissons pas véritablement nos missions, peu importe si nous partons sur Abidjan, Bamako, Brazzaville, Conakry, Cotonou, Lomé, ou Ouagadougou ! Nous donnons juste nos disponibilités à Aviation Sans Frontières qui nous appelle en fonction des besoins. Si nous sommes disponible, nous sommes programmés sur la mission, dans le cas contraire Aviation Sans Frontières sollicite un autre bénévole parmi les 350 « actifs »de sa base de données.

Est-ce que la pandémie a compliqué les missions ?

La pandémie a eu pour conséquence de repousser beaucoup de missions (de nombreuses liaisons aériennes ont été suspendues) mais nous a aussi considérablement compliqué la tâche. Aviation Sans Frontières nous a proposé la vaccination dès le mois de mars mais les convoyeurs doivent quand même se soumettre à des tests PCR (avant le départ ou à l'arrivée à destination) afin d'éviter les quarantaines obligatoires. Et chaque pays applique des règles spécifiques en fonction de sa situation sanitaire... En juin 2020, alors que nous étions en pleine pandémie, j'ai même dû prendre un vol spécial au départ de Bruxelles affrété par l'Union Européenne pour raccompagner trois enfants à Ouagadougou qui étaient restés coincés en France depuis plusieurs mois après leur intervention chirurgicale. Comme je faisais partie de la délégation officielle française voyageant à bord de cet avion, je n'ai pas eu besoin de billet ni de visa : ce sont les petits miracles qui se produisent parfois dans cette extraordinaire chaîne de solidarité.

Qu’est-ce que votre bénévolat a changé dans votre vie ?

L'expérience de convoyeur bénévole pour Aviation Sans Frontières ne peut que vous transformer tellement ces rencontres sont riches en émotion : j'ai coutume de dire qu'un convoyage remet les pendules à l'heure. Quand on fait 15 ou 20 heures de vol pour aider ces enfants, qu'on touche de près leur réalité, on revient généralement fatigué mais on relativise notre propre condition et nos petits soucis du quotidien.

Quelles sont les qualités essentielles selon vous pour ce type de missions ?

Un bon convoyeur doit en permanence veiller à la santé et au bien-être des enfants dont il a la responsabilité. À ce titre, c'est une surveillance et une assistance de tous les instants : il faut avant tout être humain, débrouillard et patient, savoir s'adapter aux besoins de l'enfant en permanence et ne surtout pas laisser transparaître son stress quand la situation est délicate. Lors d'un convoyage dans des conditions normales, notre rôle est avant tout de rassurer. Sur un plan plus pratique, un convoyeur doit être infatigable : personnellement, j'essaie d'engranger des heures de sommeil 1 à 2 jours avant le départ pour ensuite être opérationnel à 100% pendant toute la durée de la mission. Il ne s'agit pas de s'endormir et de réaliser trop tard qu'un enfant avait besoin d'assistance. Le jour du retour, la fatigue prend le dessus et cela se termine généralement par un coucher en début de soirée, suivi d'une longue nuit de 12 heures...



Au total, ASF comptabilise 1229 prises en charge d’enfants malades. Vous diriez que c’est une ONG qui compte de plus en plus ?

Aviation Sans Frontières est une association que je qualifierais d'ONG de l'ombre. Nous agissons discrètement mais sûrement pour le compte des autres associations que j'ai citées précédemment, d'où notre déficit de notoriété. Depuis quelques années, tous les convoyeurs portent des gilets bleus aux couleurs d'Aviation Sans Frontières : nous sommes ainsi beaucoup plus facilement identifiables dans les aéroports et à bord des avions, ce qui ne manque pas de susciter des questions du public auxquelles nous répondons toujours volontiers et souvent beaucoup de sympathie de la part des personnels au sol et en vol. Cela représente une aide très appréciable lorsque nous évitons les longues files d'attente à la sécurité ou à l'immigration dans les aéroports et lorsque les équipages nous installent à bord le mieux possible en nous cocoonant.

Pour conclure, vous diriez que votre engagement vous a apporté… ?

De très belles rencontres pleines d'humanité.


Un grand merci à Vincent Mauchamp.



Pour + d’infos : https://www.asf-fr.org

Crédits photo : Vincent Mauchamp, ASF


232 vues1 commentaire

Posts récents

Voir tout

Maminute.com / « POM POM…PIDOU ! »

Soyons clairs ! Il était un politique moderne et un président de la République singulier (20 juin 1969 au 2 avril 1974 ). Cinquante ans après son mandat, on se souvient particulièrement de lui ! Mais

Post: Blog2_Post
bottom of page