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L’itw DayByDay / Pr. Claire Mounier-Véhier : « Être médecin, c’est une belle revanche ! »

Dernière mise à jour : 20 avr. 2022


Aujourd’hui : Claire Mounier-Véhier, cardiologue et médecin vasculaire au CHU de Lille. Cofondatrice de la Fondation « Agir pour le cœur des femmes ».

Vous êtes cardiologue, professeur des universités en médecine vasculaire à l'Université de Lille depuis 35 ans. Au-delà d’un parcours brillantissime, on peut dire que votre « dada » c’est le cœur… des femmes. Pourquoi ? Le cœur au féminin est plus « intéressant » que celui des hommes ?

J’ai écrit en 2019 un livre « Agir pour le cœur des femmes » (Ed.Marabout) car ces dernières sont les grandes oubliées des maladies cardiovasculaires, qui ne concernent pas que les hommes, contrairement à certains préjugés ! Les femmes sont soumises à des pertes de chance liées au fait qu’elles ne prennent pas le temps de s’écouter, de prendre soin d’elles… De plus, les symptômes de l'infarctus ne sont pas les mêmes chez les femmes que chez les hommes. Il existe des spécificités du coeur de la femme, et donc des mesures de prévention spécifiques à mettre en place.

Pourquoi cette vocation pour le cœur ?

Enfant, je souffrais d’amblyopie, un trouble de la vision qui peut devenir handicapant s’il n'est pas diagnostiqué et traité avant l'âge de 8 ans. Plus tard, quand j’ai voulu faire des études de gynécologie-obstétrique, mon handicap visuel ne me permettait pas d’opérer. Finalement, j’ai fait cardiologie comme mon père (ndlr : le Professeur André Vacheron, cardiologue reconnu et ancien président de l’Institut de France). Et je me suis sur-spécialisée en hypertension artérielle, avec des spécificités de l’hypertension chez les femmes liées à la contraception, à la ménopause, etc. Puis, la vie m’a rapprochée peu à peu de mon premier choix, à travers le cœur des femmes et un travail en commun avec les gynécologues.

Où travaillez-vous au quotidien ?

Je travaille à l’Institut Coeur Poumon au CHU de Lille. Je ne fais pas de consultations privées. Je ne sais pas travailler pour de l’argent ! Ce n’est pas ma conception éthique.

Quel est le prix de vos consultations ?

80 euros environ car je suis professeure. Vous mettez votre carte vitale, votre mutuelle et vous payez zéro !





Justement en février 2020, en pleine pandémie, vous avez cofondé avec Thierry Drilhon (administrateur et dirigeant d’entreprises), le fonds de dotation Agir pour le Cœur des Femmes. Pourquoi ce duo et ce credo ?

Après avoir été présidente de la Fédération Française de Cardiologie (ndlr : de 2015 à 2019), j’ai estimé que la thématique du cœur des femmes pouvait légitimer une structure dédiée. Je recherchais un chef d’entreprise qui ait de l’allure et charismatique ! J’ai mis 9 mois avant de trouver LA bonne personne avec Thierry Drilhon (ndlr : également Président de la Chambre Franco-Britannique à Paris) avec qui nous partageons les mêmes valeurs.

Le but de cette association ?

Répondre à quatre missions : Alerter et mobiliser toutes les énergies pour l’éducation des femmes sur leur santé cardio-vasculaire, accélérer la prévention active en donnant accès à toutes les femmes au dépistage et aux soins, former et associer l’ensemble des professionnels de santé en leur donnant les moyens nécessaires pour une prévention performante, et enfin accélérer la recherche médicale sur les spécificités des maladies cardio-vasculaires chez la femme.

Vous êtes très complémentaires avec Thierry Drilhon, c’est ce qui vous a permis d’être efficaces ?

C’est vrai, comme on est tous deux des hyperactifs, on va très vite. Thierry est un super communicant et un vrai caméléon : il est aussi à l’aise dans une grosse conférence internationale que face à une femme vulnérable ! C’est un grand humaniste… Il est charismatique, est doté d’une réelle capacité à aller vers l’autre, avec un très bon sens médical : il est capable de s’approprier les messages que je donne aux grands médias et de le faire sans faute. Il s’occupe de la relation avec nos partenaires dans le milieu des entreprises, il sait défendre notre projet mieux que moi. Je lui dis d’ailleurs qu’il est le « Bill Gates français ! » (rires). De mon côté, avec mes 30 ans d’expérience dans l’associatif, je suis très à l’aise sur le terrain et connais parfaitement les règles de l’associatif : gérer la relation avec les bénévoles, c’est particulier.

Qu’est-ce qui vous réunit surtout ?

L’envie de créer ! Au moment de créer Agir, je n’avais pas besoin de ce projet en terme de « maturité » lui non plus, mais ça a été une évidence ! Qu’est-ce qui fait que lui, chef d’entreprise émérite et accompli, se mette avec une prof de médecine pour monter un nouveau projet, une sorte de Start-up médical, tous deux à plus de 55 ans ? On s’est juste trouvés en termes de construction de projet, de notre intérêt pour les autres, d’humanisme…

La Maison Poiray se mobilise auprès d’Agir pour le Coeur des Femmes, avec ce bracelet vendu au Bon Marché jusqu'à fin avril.


Vous dites vous-même que vous êtes une hyper active. Vous carburez à quel rythme par jour ?

Il ne faut pas le dire ! Je suis comme une marathonienne : je suis une couche tôt, je déteste sortir le soir, je préfère les déjeuners et les goûters, car j’ai beaucoup de mal à m’endormir comme les hyperactifs. Je bosse tout le temps, et je m’accorde le samedi après-midi… mais je n’ai pas l’impression de travailler ! C’est une passion. Par exemple, en ce moment au Bon Marché, Poiray a crée un corner pour vendre des bracelets dont une partie est reversé à notre Fondation Agir . On y va avec Thierry. Je commence à discuter avec la vendeuse et j’en profite pour lui poser quelques questions sur sa santé. Résultat, je l’ai envoyée voir une amie à moi gynécologue… C’est tout le temps comme ça. Quand je fais mes courses, je ne peux pas m’empêcher de poser des questions, aux caissières qui sont debout pour savoir si elles ont besoin de chaussettes de contention par exemple !


On comprend mieux votre attitude avec votre constat : 200 femmes meurent chaque jour de maladies cardio-vasculaires, dont des femmes jeunes. Votre ambition : sauver la vie de 10 000 femmes en 5 ans, via 3 axes : alerter, anticiper et agir. C’est en bonne voie ?

La démarche repose sur une vision large de la santé qui inclut des considérations sociales, environnementales et économiques. Le bus se pose dans une ville le mardi soir et reste trois jours sur place. On s’appuie sur les professionnels de santé : des libéraux et des médecins hospitaliers car sans cet écosystème local, le bus ne marche pas. Nous avons fait étape dans 5 villes de France entre septembre et novembre 2021. Nous avons dépisté 1065 femmes. 90% des participantes cumulent au moins 2 facteurs de risque cardiovasculaires et métaboliques, 73% ont une obésité abdominale, 67% déclarent être stressées, 43% ont une hypertension artérielle non contrôlée, 43% cumulent au moins 2 facteurs de risque gynéco-obstétricaux et au moins 2 facteurs de risque cardio-vasculaire, 30% n’ont pas de suivi gynécologique depuis plus de 3 ans, 70% des femmes présentant deux facteurs de risques n’ont aucun suivi cardio-vasculaire. Il y a vraiment urgence (ndlr : étude réalisée auprès de 1065 femmes en situation de vulnérabilité dépistées dans les 5 villes de la tournée 2021).


Prochaine étape après Cannes et Privas, le bus « Agir pour le cœur des femmes » s’arrêtera à La Rochelle.

Et pour relever ce défi, vous avez eu l’idée de lancer le « Bus du cœur des femmes » créé en septembre dernier et qui, à travers la France, part à la rencontre de celles en situation de précarité, avec des conseils de prévention à toutes les autres ?

Le bus offre une prise en charge médicale aux femmes fragilisées. Il est urgent de les remettre dans un parcours de soins et pour cela notre bus équipé permet aux professionnels de santé de dépister les maladies cardio-vasculaires ; de donner des conseils de prévention, de gestion du stress, d’alimentation, de sommeil, d’activité physique et aussi de proposer à ces femmes un suivi coordonné, en partenariat avec les acteurs locaux.


Le maire de Cannes, David Lisnard (en haut, à droite) avec à sa droite Claire Mounier-Vehier.


Ce bus est aussi une vraie alternative contre les déserts médicaux ?

Absolument ! On a démarré à Cannes en mars dernier et la semaine dernière, on était à Privas, c’était très dur car il y avait beaucoup de monde et trop peu de professionnels de santé… On a presque donné 60 RDV de gynéco au cours du dépistage. C’était énorme ! Neanmoins, malgré les déserts médicaux réels, l’organisation et la mobilisation ont été exceptionnelles.

Le plan de route pour 2022 ?

Aller dans 20 villes en 2022 et 40 en 2023 ! Nous visons 20 villes cette année. Nous allons à la Rochelle du 6 au 8 avril, puis Pessac, Toulouse, Calais, Maubeuge, Mulhouse,Six-Fours-les-Plages… et on recommence à la rentrée.

Ce bus n’est donc pas un lieu où l’on soigne ?

Non, le bus c’est un repérage, on ne soigne pas. Ce n’est pas de la « médecine de foire ». On offre également aux patientes à la fin du rdv un tensiomètre automatique et je leur dis souvent : « à votre tour, vous allez prendre la tension à vos proches » et elles deviennent elles-mêmes un colibri de la prévention. La légende du colibri, c’est que chacune peut faire sa part, aussi petite soit-elle.

Avec la fondation Agir… on peut soutenir quel que soit son revenu ?

Oui, il n’y a pas de petit don ! Il est déductible à 66% de l’impôt sur le revenu. J’ai une secrétaire médicale qui malgré son petit salaire, a fait un don de 30 euros pendant la consultation. Ou encore un chef d’entreprise, qui après avoir perdu sa femme d’une mort subite, m’a dit :« Quand j’ai lu votre livre, j’ai compris que j’aurais pu sauver ma femme ». Il nous a fait un don de 5000 euros.

Vous avez aussi des poids lourds de l’industrie qui vous suivent… Pourquoi ces entreprises ont répondu présentes ?

Parce que je pense que l’on est né durant le confinement et la Covid ! Avec cette nouvelle prise de conscience par tous et notamment les chefs d’entreprise : la santé de nos salariés est précieuse. Et attention au télétravail, qui renforce la sédentarité, jusqu’au risque de phlébite pour celles et ceux qui restent sans bouger pendant huit heures par jour devant un écran !



En quoi le soutien de plusieurs personnalités dont Sophie de Menthon, via le Mouvement patronal ETHIC, est aussi précieux pour votre fondation Agir ?

C’est une très belle rencontre d’abord avec Sophie de Menthon. Elle a beaucoup de charisme et n’a pas peur de dire les choses. Elle se bat pour imposer ses idées et je suis admirative ! Le soutien d’ETHIC et notre partenariat, visible sur le site d’Agir, permettent de toucher davantage de chefs d’entreprise et de femmes. ETHIC donne sa caution à Agir et dans le milieu de l’entreprise, cela donne une résonance positive. Le bien-être et la santé nous concernent tous.

Oui mais visiblement les femmes retiennent plus votre attention ?

Toucher une entreprise c’est dire : écoutez-vous ! Et les femmes prennent moins le temps pour elles. Il y a eu une étude Elabe pour Axa Prévention en septembre dernier qui montre que 80% des femmes s’estiment en bonne santé tant qu’elles ne sont pas malades et 75% d’entre elles vont différer leur rdv médical car elles ont toujours quelque chose de plus urgent à gérer ! Même celles qui font un infarctus me disent n’a pas avoir le temps de faire de la rééducation… Il ne faut pas faire l’autruche : si on a un symptôme, il faut prendre le temps de se soigner car sinon, on peut en mourir !




La proximité avec vos patientes, c’est la clé de votre succès ?

C’est vrai que je partage beaucoup ma propre expérience. Par exemple, le scanner des coronaires qui dépiste les maladies de femmes, je leur dis que moi aussi je l’ai fait en juillet dernier. Je n’ai pas honte de le dire. Il y a une espèce de connivence qui s’installe !

On peut dire que vous êtes un profil atypique dans le milieu ? Cela m’a causé quelques soucis, mais m’a permis aussi de rencontrer des personnes formidables.

Vous vous définissez comme « le pitbull de la prévention » mais quel cœur bat derrière celui de la professeur que vous êtes ?

Je suis passionnée, bienveillante, une vraie gentille mais je suis rancunière. Je suis un vrai Gémeaux (rires). Je suis aussi très exigeante : je donne beaucoup mais j’attends autant. J’avais fait un test de personnalité qui soulignait ma base hyper empathique…

Vous êtes une féministe ?

Non, je suis pour le respect de la femme. Mixer les sexes c’est important tout comme la complémentarité. Je ne supporte pas justement les histoires de filles, ça m’horripile… là je suis très masculine !

Vous prenez soin de vous ?

Oh oui, j’adore ! Je fais du vélo d’appartement sur les conseils de Thierry qui pratique beaucoup ce sport et je suis dingue de produits de beauté type Sephora, Marionnaud, etc.

Vous êtes donc à presque 60 ans une femme accomplie après une enfance agitée ?

Petite, j’ai redoublé pour indiscipline et j’étais sans arrêt punie. Mes parents travaillaient beaucoup, j’étais très bavarde je crois. En 5ème, une enseignante m’a dit : « vous ne serez jamais médecin ! » Plus tard, quand j’ai eu mes diplômes, je les ai envoyés à la directrice de l’école ! Elle n’a jamais répondu. Aujourd’hui, c’est vrai que cela va mieux… même si je doute encore de moi, c’est une belle revanche !

Votre vocation est née très tôt : à l’âge de 7 ans, vous aviez décidé que vous seriez médecin et vous aviez déjà un certain talent de conviction ?

Oui, Papa avait des agendas de labos, je le suivais partout et même bébé, je dormais à l’internat de Necker quand mes parents y travaillaient. Puis, dès l’âge de 7 ans, j’allais souvent dans les boulangeries pour dire de ne pas faire de croissants au beurre car c’était trop mauvais pour la santé ! (Rires).

Votre plus grande fierté ?

C’est d’assumer qui je suis et ce que je fais. Que ça plaise ou pas. J’ai eu l’immense tristesse de perdre ma petite sœur en janvier 2018 et je me suis dit qu’il était temps que j’assume mes choix, que la vie était courte. jeme suis dis : « ta culpabilité… tu l’enterres ! ». Quand une femme arrive en consultation avec le visage fermé et qu’elle en repart avec le visage radieux, je suis réellement heureuse de donner de la lumière et de la joie !


Un grand merci à Claire MOUNIER-VEHIER


Crédits photos : FB et LinkedIn Claire Mounier-Vehier, site Agir pour le cœur , Bijoutier Poiray.


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