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  • barbaradelaroche

Itw DayByDay / Jacques-Olivier Travers : « Je travaille sur le prochain Le Plus Beau Pays du Monde »

Dernière mise à jour : 7 oct. 2021

Journaliste, acteur, animateur(trice), écrivain, directeur(trice) marketing, sportif(ve), responsable communication, avocat(e), maquilleur(se)... retrouvez chaque jour des personnalités aux jobs et aux profils variés qui vous racontent leurs nouveaux quotidiens depuis le déconfinement. Retrouvez aujourd’hui un témoignage inédit.

Aujourd’hui : Jacques-Olivier TRAVERS, célèbre fauconnier

Jacques-Olivier Travers et l’un de ses aigles, Victor, un pygargue à queue blanche né en captivité. Cette espèce vivait dans toute l’Europe à la fin du 19ème siècle et a disparu de France en 1959. Si les programmes traditionnels éloignent les oiseaux des hommes, sa méthode lie l’homme et l’oiseau dans une aventure commune pour retrouver le chemin de la liberté.

Présente-toi en quelques mots professionnellement ?

Jacques-Olivier Travers : Je m’appelle Jacques-Olivier Travers, j’ai 48 ans et je suis fauconnier. Après des études de droit et de journalisme, j’ai bifurqué assez vite car ma passion depuis tout petit c’était les animaux. En 1997, j’ai ouvert mon parc « Les aigles du Léman » et je ne le regrette pas ! 

Fauconnier au quotidien, qu’est-ce que cela signifie ?

Fauconnier ce n’est plus comme autrefois, où l’on chassait le gibier avec les faucons ou les aigles ! Pendant des siècles on a dépendu de la chasse à cour et de la fauconnerie pour manger. Aujourd’hui on utilise seulement les techniques de la fauconnerie à des fins pédagogiques scientifiques et de conservation. Ce sont les mêmes techniques de dressage mais la finalité est différente : que ce soit les spectacles de grand public, les expériences scientifiques, les tournages de documentaires ou de films ou encore les protocoles pour apprendre aux oiseaux à voler en vue de les relâcher un jour dans la nature.

Tu es « tombé » tout petit dans cette passion presque... par hasard ?

Je suis né et j’ai grandi à côté de Chambéry dans l’Ain, dans un petit village qui s’appelle Belley. Dans ma famille, personne ne connaissait les oiseaux. Mon papa était médecin généraliste de campagne, et ma maman, de formation avocate, s’occupait de nous. Comme on habitait à la campagne, j’allais souvent aider la voisine à faire rentrer le soir ses poules pour éviter qu’elles ne se fassent manger par les renards. Et puis, un jour, dans le poulailler trois petites pies sont tombées à mes pieds. Je les ai récupérées pour essayer de les sauver. Hélas, à l’époque il n’y avait pas internet pour se documenter. On m’a dit « donne du pain et du lait » ce qu’il ne faut jamais faire et au bout de trois jours elles sont mortes. J’avais tout juste 11 ans et j’étais anéanti. Alors ma mère a eu cette formule qui m’est restée : « Ne t’inquiète pas, la prochaine fois tu les sauveras ». À partir de là, tout ce que l’on m’amenait comme volatiles, je mettais tout en œuvre pour les sauver. Et puis on m’a amené une buse... ça a été une révélation pour les rapaces. J’avais 15 ans et ça ne m’a jamais quitté. 

Le parc « Les aigles du Léman » (en Haute-Savoie) s’étend sur 9 Hectares et accueille chaque été 40 000 visiteurs durant ses trois mois d’été d’ouverture.

Le parc animalier que tu gères se trouve à Sciez en face du Lac Léman... Cet endroit a été un coup de cœur au départ ?

Étrangement, je ne connaissais pas bien la région même si ce n’était pas loin de chez moi. Mon idée initiale c’était d’ouvrir un parc, un lieu propice à ce concept animalier avec du sens. À savoir, protéger la population de rapaces existante sans pour autant avoir des concurrents tous les 5 km ! J’avais repéré deux régions : le sud de la France qui à l’époque était désertique et la Haute-Savoie. Quand je suis arrivée ici à Sciez, ça a vraiment été un coup de cœur. Tu es entre le Lac Léman qui est une mer intérieure et de l’autre côté il y a le Mont-Blanc ! Incroyable, j’ai adoré. 

Quand tu dis cela, c’est le passionné d’oiseaux qui parle ?

Oui parce qu’ici, on a tous les rapaces les plus rares. Et pour les faire voler, c’est aussi idéal. On a tout à côté : quand je veux faire du kayak avec mes aigles je vais sur le Lac, si je veux faire de la haute montagne, je vais au Mont-Blanc. C’est inouï car il n’y a quasiment aucun fauconnier au monde qui puisse faire cela !

De quels rapaces rares s’agit-il ? 

En Haute-Savoie, on trouve tous les grands rapaces français c’est-à-dire l’aigle royal, le gipaète barbu, le vautour moine, le vautour fauve, le faucon pèlerin... tous les plus grands rapaces qui vivent en France vivent ici à l’état sauvage de par la diversité de cette région entre lac et haute montagne. Et lorsqu’il y a 25 ans je me suis installé, les gens d’ici ignoraient presque cette richesse animalière ! Et je me suis dit à juste titre que c’était une occasion formidable pour tous de découvrir ces oiseaux sans faire des heures de marche pour les apercevoir ! 


Des spectacles variés, des volières géantes et l’accueil des scolaires font des « Aigles du Léman » un lieu unique et un site pédagogique.

Depuis 25 ans d’existence, comment se porte le parc ?

Le parc se porte très très bien. Aujourd’hui, on accueille la plus grande collection de rapaces au monde. On a plus de 80 espèces de rapaces soit 300 oiseaux en tout. On a un centre de reproduction qui fonctionne très bien, des programmes de conservation qui marchent bien (ndlr : dont Freedom qui vise à réintroduire le pygargue à queue blanche), on a monté une Fondation et nous sommes le premier site pour l’accueil des scolaires en Haute-Savoie. Plus de dix mille enfants viennent chaque année chez nous au parc pour apprendre ce qu’est un oiseau. C’est une grande fierté pour nous. C’était un objectif de départ car la région Rhône-Alpes qui avait mis de l’argent dans la société souhaitait de notre part un vrai travail pédagogique et on y est arrivé ! 

Comment as-tu convaincu la prestigieuse  Maison Chopard, connue pour ses montres et ses bijoux de luxe, à te suivre au sein de cette Fondation ? 

J’avais rencontré son codirecteur, Karl-Friedrich Scheufele complètement par hasard. C’est un passionné d’aigles, on a sympathisé et il m’a dit « je veux absolument vous aider et faire quelque chose avec vos oiseaux ». Je lui ai parlé de mon rêve de réintroduire le Pygargues à queue blanche et il a trouvé l’idée formidable. Ça s’est traduit par un partenariat franco-Suisse que le on a créé fin 2019 via la Fondation « Eagle wings ». Karl-Friedrich Scheufele participe financièrement, mon ami Ronald Menzel assure la gestion de la Fondation et moi, la partie oiseaux ! 

La Fondation Eagle Wings a été créée par Jacques-Olivier Travers, Karl-Friedrich Scheufele (à gauche) co-directeur de la Maison Chopard et Ronald Menzel (à droite) entrepreneur et activiste, co-fondateur de Dreamscape Immersive.


Pourquoi cet engagement selon toi de la part de la Maison Chopard ?

Parce que la Maison Chopard implantée en

Suisse est très sensible à la cause animale. Elle s’investit particulièrement dans la conservation et la préservation des espèces via son co-président Karl-Friedrich Scheufele (ndlr : Chopard constitue l'une des dernières entreprises familiales spécialisées dans l'horlogerie et la joaillerie).

L’objectif de cette fondation c’est donc clairement de faire connaître et participer au retour du Pygargues à queue blanche ?

Oui, car c’est un oiseau de légende ! C’est le plus grand aigle d’Europe. Il est d’ailleurs l’emblème de la ville de Genève et vivait ici sur le Lac Léman il y a deux cents ans. Ils ont tous été malheureusement tués et notre objectif c’est de les remettre dans la nature d’ici trois ou quatre ans ici, aux bords du Lac Léman. 

C’est un « vieux rêve » qui te tient à cœur depuis nombre d’années et pourtant la réalité reste compliquée ? 

Oui mais grâce à la Fondation, on a l’outil administratif, financier et technique pour le faire et puis surtout aujourd’hui on maîtrise parfaitement bien la reproduction des pygargues. On a trois couples reproducteurs, on en a reproduit douze et on a tous les ingrédients pour que cela fonctionne !


« La terre des aigles » inaugurée en 2018 est la plus grande du monde avec 18 000m2 (soit trois grands terrains de foot) et rencontre un succès phénoménal depuis deux ans.


En attendant cette réintroduction, ton parc fait aussi figure d’exemple avec tes volières géantes ?

Oui, en plus des 150 volières sur le domaine, il y a aujourd’hui trois volières géantes de mixité où le public peut rentrer dedans. « La terre des aigles » est la plus grande volière du monde où vivent ensemble 60 oiseaux de 15 espèces différentes (vautour, aigle...) consacrée plutôt aux espèces africaines. « La lagune », elle, est consacrée aux espèces qui vivent dans le sud de la France, et « le clos  des 4 tours »  est dédiée

aux espaces sud-américaines. C’est un vrai succès, les gens adorent : être en communion avec les oiseaux ! C’est une belle réalisation technique et grâce à cette volière on a une reproduction qui a nettement augmenté parce que plus les oiseaux ont de l’espace et se mélangent entre eux ! 

Pourtant ton parc n’est ouvert l’été que trois mois par an... Pourquoi ce choix ?

On a fait un pari surprenant à savoir ouvrir seulement en juin, juillet et août.

Pourquoi ce délai si restreint ?

Pour des histoires de reproduction. Le facteur primordial pour la reproduction, c’est la tranquillité des animaux. On a pris le parti de fermer quasiment 9 mois de l’année pour offrir aux animaux ce moment de répit. 

« Le parc d’hiver des Aigles du Léman » le nouveau rendez-vous avec les oiseaux depuis janvier 2020.

Donc trois mois d’ouverture en été à Sciez et depuis peu, en hiver, il y a aussi une nouvelle possibilité d’émotions fortes au contact des oiseaux ?

Oui, depuis 2020, on emmène une vingtaine de nos oiseaux (aigles, buses, hiboux…) à Morzine (ndlr : Haute-Savoie) où l’on propose plusieurs événements : des repas spectacles, des stages de fauconnerie, la possibilité de skier avec les aigles sur les pistes, à 1500m d’altitude, en pleine nature et en pleine montagne. Pour cette première année, ça a très bien fonctionné.

Le public peut donc découvrir les aigles en plein hiver et en pleine nature ? 

Oui de janvier à mars. Nous sommes installés dans un chalet immense qui s’appelle « le parc d’hiver des Aigles du Léman » et le public peut venir soit à pied soit par le téléphérique de Nyon soit à skis. Nous avons inauguré cette année en janvier et hélas on a tout arrêté à la mi-Mars avec la Covid19 mais ça a très bien démarré. On a fait 25 000 personnes et du coup, on renouvelle l’expérience pour trois ans.

Comment arrivez vous à l’équilibre financier ?

On a une particularité c’est que l’on est assez connu pour faire des images avec nos aigles, des films, des documentaires et c’est ce qui nous permet d’atteindre l’équilibre financier. 

Quelques chiffres ?

Dans le parc, en hiver, il y a 10 personnes et une vingtaine en été. Sur l’été, on fait 40 000 visiteurs mais on ne veut pas plus. Le but c’est d’accueillir correctement les gens. On ne veut pas devenir un parc d’attraction ! 



Quand tu ne t’occupes pas du parc, tu es un véritable ambassadeur de tes oiseaux via tes voyages et tes images de caméras embarquées sur tes aigles diffusées sur le net ou tes documentaires que tu réalises ?

Oui ça me prend beaucoup de temps mais c’est important. Ça participe à la sensibilisation du grand public. Mon dernier film fort c’était « Un aigle à Dubaï » (ndlr : documentaire qui a dépassé les deux milliards de vues sur internet ! Et qui retrace l’épopée incroyable du vol de son aigle à 830 mètres de hauteur, au sommet du Burj Khalifa). Je travaille aussi souvent avec Ushuaia tv qui en 2015 m’avait confié son film

pour fêter ses 10 ans (ndlr : « Freedom, l’envol d’un aigle  » en 2015). Et puis, juste avant le confinement, nous étions en pleine « prépa » du prochain film de Jacques Perrin. Enfin, nous travaillons en ce moment avec le réalisateur Fred

Fougea (ndlr : Frédéric Fougea) sur la prestigieuse série-documentaire de France 2, « Le plus beau pays du monde » (ndlr : le premier volet diffusé en septembre 2014 avait réuni 7 millions de téléspectateurs sur France 2. Le deuxième volet, 5 millions) qui portera sur la Méditerranée et les pygargues à queue blanche.

Après les loups, les élans, le gyapète barbu et la faune sauvage des Alpes (ndlr : troisième volet diffusé en février 2019), cette collection de haute voltige aux images toujours époustouflantes est une expérience inouïe pour toi ?

Oui, ce devrait être diffusé en décembre prochain. Je suis en charge de faire les images de ces aigles américains. Je suis consultant sur la partie écriture et je suis en charge de développer tous les systèmes d’images de drones et de caméras embarquées pour filmer ces aigles européens d’une manière originale et nouvelle. Et aussi de dresser les oiseaux. C’est un défi technologique passionnant. 

Entre le cinéma animalier et les documentaires animaliers, où est-ce que ton cœur balance ?

Le cinéma c’est très interessant d’un point de vue technologique, mais c’est une grosse machine qui dure sur des années où on découpe tout. C’est un énorme travail de préparation qui est long. Sans paraître du tout blasé, je préfère le docu nature ! J’ai eu la chance de travailler avec tous les plus grands de la BBC et de faire une dizaine de documentaires. Pour moi, c’est ce qui se fait de mieux aujourd’hui. La BBC, ce sont mes plus belles expériences ! 

Les animaux t’ont emporté très loin dans ta passion... c’est fou, non ?

Oui j’ai voyagé dans le monde entier, j’ai rencontré des gens incroyables et je n’aurais jamais imaginé faire tout cela ! Ce que j’adore c’est qu’on ne fait jamais la même chose. À la fois il y a le travail sur le parc avec l’élevage qui me passionne puisque l’on participe à la conservation de la nature, avec ce travail aussi d’éducation du public mais aussi tous les partenariats faits avec des scientifiques comme récemment en Angleterre où je suis allé faire voler des oiseaux pour développer des systèmes de mesure de pollution de l’air. L’université de Birmingham souhaitait tester des capteurs de pollution sur des oiseaux qui peuvent parcourir de longues distances. Ou encore en Allemagne, via un système de GPS pour suivre les oiseaux, une fois qu’ils sont réintroduits. On a travaillé pour faire des balises GPS plus petites et plus performantes testés sur nos oiseaux captifs avant de les mettre sur les oiseaux sauvages. 

Tu as fait le tour du monde avec tes oiseaux ?

Oui c’est vrai ! Je suis allé partout dans le monde et dans des endroits aussi inédits comme dans des prisons (ndlr : en plein quartier de haute sécurité dans une prison en Suisse qui avait organisé un concours pour ses détenus). Ça a été très fort comme expérience et inattendu. Idem lorsqu’on a été invité à la 69 ème cérémonie du débarquement américain pour filmer le cimetière américain en Normandie (ndlr : en 2008, Jacques-Olivier a fait voler Sherkan, un aigle pêcheur de 13 ans, au-dessus des tombes du cimetière américain d’Omaha Beach, à Colleville-sur-Mer). Seul Spielberg avait été autorisé à filmer de l’intérieur cet endroit avant nous ! Il y a eu des vétérans américains qui sont venus nous voir en larmes en nous disant : « merci pour nos frères qui auront vu l’aigle, l’emblème des États-Unis, voler au dessus d’eux ». C’était tellement touchant, on ne s’y attendait pas... On se rend compte qu’on oiseau peut être un symbole. 

Ton prochain voyage avec tes aigles ? 

On voudrait voler au dessus de la grande muraille de Chine. Ça ferait des images qui j’en suis sûr ferait le tour du monde comme celles de Dubaï. C’est un endroit qui me fait rêver...

Lors de tes voyages, tu prends toujours les mêmes oiseaux ? 

Je tourne avec une dizaine d’aigles sur l’année qui sont sur-entraînés et qui bossent avec moi. Il faut les entraîner une heure par jour quand on est en préparation d’un film, d’un spectacle ou d’un événement. Je peux même en entraîner quatre en même temps au maximum. Mais tous mes oiseaux ont un break de 4 mois. Ça fait du bien de se quitter... pour mieux se retrouver (rires). 

Concernant le confinement, comment les animaux l’ont-ils vécu  ?

C’était très compliqué car les oiseaux sont habitués à voler tous les jours en pleine montagne ! C’était très dur de les voir dans leur volière, ne pas pouvoir leur ouvrir la cage et les faire voler. Tout s’est arrêté. On avait l’impression que c’était la fin du monde. Au final, le confinement a été plus compliqué pour les oiseaux que pour nous qui étions confinés dans notre parc de 9 hectares. Aujourd’hui, on recommence tout juste l’entraînement pour un prochain tournage prévu fin juin. 

En 2019, via la Fondation Eagle Wings, l’aigle Victor a survolé 5 glaciers d’Europe pour sensibiliser le grand public sur la fonte des glaciers via une caméra embarquée.


Quels sont tes prochains défis ?

Les nuits de la Glisse qui seront axées sur la glisse extrême et la découverte de la nature. Puis, début septembre on part en Grèce pour un documentaire pour France 2 puis pour la Fondation, on prépare un bel événement prévu en octobre et qui se passera au-dessus du lac de Genève. Après avoir survolé l’année dernière 5 glaciers d’Europe en 5 jours avec Victor mon aigle pour sensibiliser le public comme une course contre montre sur la disparition des glaciers, cette année on veut alerter sur les lacs de montagne. L’aigle, c’est le regard d’un d’oiseau sur la nature. Avec la caméra embarquée, il n’y a pas de triche. 

Quelle est l’urgence concernant les lacs de montagne ? 

Le niveau de l’eau se réchauffe, les poissons se reproduisent moins et donc les ressources alimentaires pour les aigles que l’on voudrait réintroduire se raréfient !

Tous tes oiseaux volent ? 

Non. On a peu près une centaine d’oiseaux qui volent, ce sont des fauconniers et le reste servent pour la reproduction. Parce que notre objectif c’est de reproduire la plupart des espèces qui sont menacées. 

Ça avance justement la reproduction ?

Oui ça cartonne. On a presque 25 jeunes dont 8 aigles, 10 vautours... c’est incroyable ! Ça veut dire que nos conditions et nos compétences sont meilleures. Nous sommes les assureurs de la nature. S’il y avait un pépin on viendrait chez nous chercher les espèce disparues dans la nature donc il faut faire le plein.

Où en est ton rêve de pouvoir relâcher le pygargue à queue blanche un jour dans la nature ? 

Ça avance bien. Il faut rester prudent car c’est une histoire politique : jusqu’alors les associations écologiques faisaient la réintroduction en France et puis elles ont vu arriver un privé, comme moi avec une fondation financée par des privés... elles ont un peu de mal et en même temps elles se rendent compte que le gouvernement ne vont pas leur donner plus de sous donc il faut trouver des alternatives. C’est un changement de culture aussi pour elles : quand on fait une réintroduction avec des fonds privés, les investisseurs ont aussi envie qu’on en parle auprès des écoles, du public, c’est une façon différente de procéder donc il faut apprendre à ce que tout le monde s’y retrouve. Et puis les Politiques sont très frileux avec tout ce qui est prédateurs : les loups, les ours, les lynx, les vautours... donc quand on leur dit qu’on veut remettre en liberté le gros plus aigle du monde dans la nature, ils sont effrayés ! Il faut absolument que le grand public soit derrière nous pour que les politiques suivent. C’est pour ça que je fais toutes ces images et ces documentaires : pour montrer au public que cet oiseau qui vivait chez nous il y a deux siècles a le droit d’y revenir !

Quel est l’objectif idéal  ?

Notre objectif « réaliste » serait que les premiers oiseaux retournent dans la nature en 2023. Si on arrive à ça, je serai très content. D’ici un an, on aura toutes les autorisations puis il faudra un an supplémentaire pour avoir suffisamment de couples d’oiseaux reproducteurs. 

A partir de 2023 concrètement qu’est-ce qui se passerait alors ?

On serait en état de relâcher 5 à 10 jeunes, nés chez nous, directement du parc pour qu’ils partent essaimer. Comme on est aux bords du lac, c’est vraiment leur milieu, il y a une réserve de 400 hectares juste derrière nous. L’idée c’est de leur laisser un système de cage qui permet aux parents de continuer à les nourrir sans sortir et aux petits de rentrer et sortir jusqu’au moment où ils seront assez gros pour faire leur premier vol... Et même s’ils n’arrivent pas tout de suite à pêcher ou chasser, ils seront nourris via leurs parents. Donc c’est une émancipation très douce. On n’a jamais essayé cette méthode mais on pense qu’elle a tous les avantages. 

Donc la réintroduction se ferait directement du parc Les Aigles du Léman à Sciez ? 

L’endroit le plus logique c’est le parc car avant ils vivaient ici. C’était leur territoire et en plus depuis 25 ans on a fait un gros travail de pédagogie : les gens d’ici n’ont plus d’appréhension, ni envie de les tuer. Ils nous avertissent même quand ils voient les aigles voler dans le ciel.


Jacques-Olivier Travers en pleine séance entraînement avec son aigle.


Le pygargue à queue blanche devient vite autonome ?

Oui, c’est assez rapide. Entre son quatrième et cinquième mois il devient indépendant et est chassé par ses parents. Ce ne sont pas du tout des Tanguy (rires) !

Quand tu parles de réintroduction, tu penses seulement aux pygargues à queue blanche ? 

Oui, on en a douze ce qui est déjà pas mal et je ne m’intéresse qu’à cette espèce.


Jacques-Olivier Travers et le pygargue à queue blanche, un aigle de légende qui vivait en France il y a plus de deux cents ans.

Pourquoi ?

Parce que c’est tellement dur d’en réintroduire une et c’est une espèce emblématique ! C’est le plus gros aigle d’Europe. Et l’on sait qu’il y a une population en Allemagne qui commence à bien se porter car il est bien protégé d’autant que c’est l’emblème du pays; par contre dans le sud de l’Europe il ne reste que six couples en Grèce donc c’est important d’arriver à faire un pont entre les deux pour conserver cette population : il y a une vraie raison légitime que ce soit dans les Alpes. 

C’est une lourde responsabilité au quotidien que de porter ce projet de réintroduction ?

Non c’est mon chemin je pense ... il y a des gens qui sont venus sur terre pour sauver des gens, moi ma mission c’est de remettre cet aigle dans le ciel de France. Protéger une grande espèce comme le pygargue à queue blanche c’est protéger toute la nature. Ça a un sens. C’est un aigle pêcheur et non un chasseur donc il aurait plutôt un rôle de régulateur dans la chaîne alimentaire de la nature et serait bien accepté.


Ton rêve absolu, toi le fauconnier ? 

Le jour où je verrai des jeunes pygargues à queue blanche nés chez moi en captivité puis partis, revenir dans la région quelques années après. On sait qu’après s’être baladé trois quatre ans, ils reviennent là où ils sont nés pour faire leur famille en pleine nature. C’est ce que l’on appelle la mémoire philopatrique. Je trouve joli qu’après les avoir tués, on soit capable de les reproduire, de les relâcher et de les rendre à la nature où ils pourront vivre paisiblement entre 35 et 40 ans.


Un grand merci à Jacques-Olivier Travers


Sources photos : Fondation Eagle Wings, Les Aigles du Léman, Galateefilms.com, Télé-Loisirs.



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