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  • barbaradelaroche

EXCLU / Gilles Lhote : « Lady Lucille pour Catherine Deneuve, c’est classe et rock, me dit Johnny »

Journaliste, acteur, animateur(trice), écrivain, directeur(trice) marketing, sportif(ve), responsable communication, avocat(e), maquilleur(se)... retrouvez chaque jour des personnalités aux jobs et aux profils variés qui vous racontent leur actualité. Retrouvez aujourd’hui un témoignage inédit.


Aujourd’hui : GILLES LHOTE pour la sortie de son livre « LADY LUCILLE » (Éditions du Seuil), mercredi 28 mai.

Journaliste (Paris-Match, VSD, Télé 7 Jours...), photographe, spécialiste du rock, auteur de nombreux albums et biographies de stars.

Gilles Lhote et Johnny Hallyday, une amitié longue de plus de trente ans sous le signe de la complicité.


Présente-toi en quelques mots professionnellement ?

Je suis journaliste, auteur, photographe, voyageur et biographe (ndlr : spécialiste du rock, il a consacré nombre d’ouvrages sur Johnny Hallyday).

On te connaît également comme l’ami de plus de trente ans de Johnny Hallyday ?

On était très proches. Je ne sais pas si j’étais son ami car tout le monde se disait être l’ami de Johnny mais oui, nous étions très complices...

Où es-tu en ce moment ?

Là ? Je suis à Paris.

Comment définirais-tu ton métier ?

Quand j’étais gamin, je rêvais d’être journaliste... je l’ai fait. Et aussi de bosser pour Match (ndlr : Paris-Match), je l’ai fait aussi !

Il te passionne toujours autant aujourd’hui ton job ?

Oui parce que c’est ma vie ! J’ai eu beaucoup de chance car je ne voulais faire que ça et je ne me voyais pas faire autre chose donc je n’avais pas le choix (rires) !

Qui t’a mis le pied à l’étrier ?

Je travaillais au journal Le meilleur d’Alain Ayache et c’est lui qui m’a vraiment appris le boulot. J’épluchais la presse anglo-saxonne, je repérais des histoires que j’améliorais ensuite pour en faire des récits drôles, sexy, étonnants selon l’envi !


(À gauche) Arnaud de Rosnay surnommé « le baron » par Gilles Lhote, reporter-photographe qui l’a suivi durant ses expéditions des années 80. (À droite) Clichés de Gilles Lhote, (au milieu) les Z-boys ou la « Zephyr Competition team », un groupe de skateurs originaires de Venice à Los Angeles en Californie.


Et après tout s’est enchaîné pour ne jamais s’arrêter ?

Oui. À cette époque, je travaillais aussi à Pilote où j’étais scénariste de bande-dessinée. Puis, j’ai travaillé avec Jean-Patrick Capdevielle qui avait des journaux de jeunes et après j’ai commencé à voyager. Je suis allé aux Etats-Unis, en Californie et je suis arrivé au moment de la grosse séchresse à Los Angeles (ndlr : la sécheresse de 1976). Les skateurs avaient piraté les piscines vides pour en faire les premiers skatepark (ndlr : que l’on appelle aujourd’hui « bowl », ayant la forme d'une cuvette plus ou moins profonde aux parois arrondies) et avec un pote, on a fait un journal de skateboard qui s’appelait « Skate magazine ». On a fait venir les pionniers, ceux de la première génération, les plus grandes skate surfers comme Tony Alva, que l’on appelait les Z-Boys (ndlr : un groupe de skateurs originaires de Venice beach à Los Angeles fondé par Skip Engblom, Jeff Ho et Craig Stecyk. C’est dans une de ces piscines que Tony Alva arriva tellement vite qu'il dépassa le bord de la piscine, réalisant ainsi la première figure aérienne de l’histoire).

D’ailleurs il y a peu, tu étais encore à L.A ?

Oui, j’étais en mission avec mon éditeur pour faire une double édition - une version française et une version américaine- sur les motos de prestiges vintage, des années 1925 à 1955. Il s’agit de motos restaurées par ce que j’appellerais un « artiste » biker alias Serge Bueno. Il a crée sa marque « Heroes motors » et a fait lui aussi son rêve américain en imposant son style avec des motos pas uniquement américaines Indian ou Harley mais aussi des motos anglaises, françaises, des Peugeot, etc, qu’il restaurent. Comme c’est aussi un très bon photographe et qu’il avait fait lui-même ses photos en studio de motos, je suis donc revenu avec cette matière-là. L’ouvrage s’appellera « l’art de la moto vintage » et sortira en septembre prochain (Photos ci-dessous).

(En haut) « L’art de la moto », le prochain livre de Gilles Lhote qui sera édité en France et aux États-Unis. (En bas, à gauche) Gilles Lhote et Serge Bueno, créateur de la marque « Heroes motors ». Le garage, ouvert depuis 2015, est une destination pour les passionnés et collectionneurs de deux-roues.


Tu es juste rentré à temps à Paris avant que l’état d’urgence sanitaire ne soit décrété en France ?

Oui, à peine revenu, le confinement a sonné et j’ai fini à distance les bouquins avec Serge Bueno, mon éditeur Philippe Marchand de Olo Éditions et les maquettistes. On a fait du télétravail malgré le déclage horaire entre Paris et Los Angeles. Olo Editions est l’éditeur packager de cette double édition. Les livres en France seront édités par les Editions Gründ et aux Etats-Unis, par Universe.

Tu n’as pas vraiment subi ce confinement ?

Non j’étais cool. C’est un peu égoïste de dire ça mais j’avais un grand appartement, un balcon et du boulot. J’étais occupé avec ces fiches à faire sur les motos, à trouver des histoires sur les pièces, les moteurs et leur fonctionnement, etc. J’avais un but et je n’avais pas ce sentiment de perdition, de ne pas savoir quoi faire avec en plus la frayeur de l’extérieur.

Tu suivais l’actualité via les chaînes d’infos en continu?

Non, si tu rentres dans ce trip’ là, t’es mort ! Ce ne sont que des redites et c’est anxiogène. J’essayais de ne pas trop les regarder parce que j’avais du boulot et je préfèrais quand j’avais du temps regarder les séries à la télé. C’était ma récré !

Tu as regardé quoi par exemple ?

Tout (rires) ! J’ai regardé tout HBO : « Devils », j’ai adoré « Killing Eve », et les séries de

Zombies. Je suis très série, je ne regarde plus que ça à la tété !

Finalement, ce confinement a été pour toi « salvateur » ?

Oui, pour moi qui suis assez « branleur » de nature, heureusement qu’il y a eu le confinement parce que je n’aurais peut-être pas eu la constance et l’acharnement de travailler autant ! Alors merci le confinement (rires) !



Ton livre lève le voile sur l’identité de cette Lady Lucille alias Catherine Deneuve, qui a toujours eu une place à part dans le cœur de Johnny. « Lady Lucille » est « béni des dieux » puisqu’il paraît après le confinement ?

C’est bien que les libraires aient réouvert ! J’ai encore un gros coup de chance comme beaucoup d’autres d’ailleurs qui ont écrit des bouquins et qui sont dans mon cas... Par contre, il va y avoir un gros embouteillage !

Patrick Mahé et Gilles Lhote (à gauche). (À droite), « Rallumer le feu », leur ouvrage commun sur Johnny paru en 2019. (En bas) Le hors-série « Secrets d’amour » paru le 14 mai dernier avec les bonnes feuilles de « Lady Lucille ».


Les bonnes feuilles sont parues en avant-première dans Paris-Match via le Hors-série « Secrets d’amour » paru le 14 mai dernier. Pourquoi Paris-Match ?

Pourquoi Paris-Match ? Parce que j’ai connu Johnny en 1987 grâce à Patrick Mahé (ndlr : longtemps rédacteur en chef de Paris-Match et actuel rédacteur en chef des Hors-séries Paris-Match). Et puis avec Paris-Match, c’est une affaire qu’on a beaucoup suivie avec Patrick, qu’on a régulièrement évoquée donc non seulement c’est affectif mais aussi normal.

Tu as eu déjà des réactions suite à la parution du Hors-série ?

Oui de proches, de potes qui se passionnent pour le rock’n’roll. Il y a des personnes qui n’étaient pas du tout au courant de l’histoire et d’autres qui en avaient entendu parler. Donc pour l’instant oui j’ai plutôt des bons retours.

À combien d’exemplaires est tiré « Lady Lucille » ?

15 000 exemplaires pour commencer. Et pour la suite, croisons les doigts !



Comment se fait-il que cette histoire soit révélée si tard alors que tu la connais depuis au moins 25 ans ?

Quand Johnny m’a demandé de l’aider à faire son autobiographie « Destroy » (ndlr : autobiographie sortie en 1996), on est rentré plus dans le détail de cette histoire entre lui et Catherine Deneuve puisqu’il voulait tout révéler de sa vie. Que ce soit les drogues, l’abandon par le père, ses trajectoires de rock’n’roll man, de mec qui s’écroule et qui ressuscite... tel le phœnix. Il voulait vraiment raconter « la vraie » vérité sur lui et il y avait cette histoire avec Catherine Deneuve qu’il a eue un peu de mal à raconter. A un moment donné, il m’a dit alors : « écoute on va parler de Catherine Deneuve et du tournage des « Parisiennes » (ndlr : sorti en 1962) et après, ce serait bien qu’on on lui trouve un pseudo, qu’on continue de la faire exister mais à travers une sœur jumelle, une fille qui lui ressemble, pour en parler plus tard ». Comme Catherine Deneuve était une fille très élégante, très délurée, très en avance sur son temps et aussi très Rock’n’roll, on a commencé à partir sur l’idée de « Lady ». C’était dans l’ère du temps. Il y avait déjà Lady D’Arbanville de Cat Stevens, Foxy Lady de Jimi Hendrix, Lady in red de Clapton, Lady Jane de Mick Jagger. Moi j’ai pensé au prénom Carole, en référence au titre qu’il avait chanté (ndlr : « Ô Carole » en 1964) et je lui propose alors Lady Carole. Il m’a dit non et nous avons continué de chercher. Il venait de sortir son album « Lorada » (ndlr : sorti en 1995. L’album avait pour titre le nom de sa maison à Ramatuelle) produit par Jean-Jacques Goldman. Il y avait sur cet album une chanson qui s’appelait « Lady Lucille » que lui avait composée Gildas Arzel. Alors Johnny m’a dit : « on va reprendre Lady Lucille ! C’est classe, c’est rock ». Et puis c’était aussi la chanson de légendes vivantes du rock comme Little richard (ndlr : avec le titre « Lucille » en 1957), et de blues comme B.B King (ndlr : « Lucille » est un album du chanteur et guitariste américain de blues B. B. King, sorti en 1968.). Alors voilà, comme il m’a dit : « Lady Lucille ça va être bien, tu verras » !

Pourquoi avoir attendu tout ce temps ?

Avec Johnny, plus tu creuses, plus tu plus tu trouves. C’est tellement foisonnant ! Il a eu mille vies ! Tu pourrais faire par exemple un « Johnny Circus » (ndlr : du nom de sa tournée) ! Dans les années 70, il avait en effet son cirque itinérant dans toute la France, avec les chapiteaux, les roulettes et tout, avec sa compagne du moment Nanette Workman. Sylvie Vartan, n’en pouvant plus, était partie. C’était une expérience hallucinogène ! Tu peux faire 100 bouquins sur Johnny en rentrant dans les détails, en retrouvant les gens de l’époque.

En attendant, s’il y a eu beaucoup d’allégations sur l’identité de cette mystérieuse Lady (on a évoqué notamment Marlène Jobert) sans jamais de clichés pris, le nom de Catherine Deneuve flottait dans l’air... alors pourquoi maintenant ?

Parce que l’histoire complète de Lady Lucille n’avait jamais été racontée dans son entièreté ! J’en avais sorti des bribes dans son autobiographie « Destroy », nous en avions aussi parlé dans un autre ouvrage écrit avec Patrick Mahé qui s’appelait « Rallumer le feu » (ndlr : Éditions du Seuil, sorti en octobre 2019) et je respectais le deal. Mais quand Johnny est mort (ndlr : le 5 décembre 2017), Catherine Deneuve qui ne s’était jamais exprimée jusque-là, a donné une interview très tendre et touchante au journal « les Inrockuptibles » (ndlr : Pour clôturer l'année 2017, Les Inrocks ont publié un numéro « Best Of » avec en Une Catherine Deneuve et Yann Barthès. L’actrice, dans son interview, rend hommage à Johnny disparu quelques jours avant). Elle a aussi envoyé une gerbe à Saint Barth où il est enterré (ndlr : au cimetière de Lorient, à l’île Saint-Barthélémy). Tout le monde était étonné qu’elle ne soit pas là d’ailleurs pour lui dire au revoir, tout le monde se demandait si elle avait bien été invitée. La réponse est : « oui » elle a été bien invité mais n’a pas pu répondre à l’invitation car elle avait trop de peine.



La prise de parole de Catherine Deneuve dans Les Inrocks t’a tout de suite donné l’idée de faire le livre ?

À partir du moment où elle a pris la parole à mots couverts, pour moi c'était comme un feu vert. Et puis quand tu lis son interview, tu comprends tout de suite, à travers ses mots, sa « Déclaration ».

(En bas à droite) Une photo de Johnny Hallyday dédicacée de l’artiste pour l’anniversaire de son complice Gilles Lhote.


Tu crois que de là-haut Johnny te remercie ?

Oui, je crois qu’il serait content que ça se soit passé ainsi, que j’aie respecté sa volonté et attendu ce moment-là pour en parler et dévoiler l’histoire. Car c’est une belle histoire ! Il n’y a rien de graveleux, ça s’arrête à la porte de la chambre à coucher. C’est comme si Catherine Deneuve et Johnny avaient réinventé une carte du tendre rock’n’roll !

Ils se ressemblaient à ce point ?

Catherine Deneuve, c’est un peu l’âme sœur de Johnny... ils étaient fusionnels ! Comme

deux êtres branchés à la la source, qui vont grandir ensemble et connaître la même courbe de succès. Ce sont aussi deux oiseaux de nuit, deux solitaires qui vont frapper à la porte du cœur de l’un quand l’autre ne va pas bien.

Ils sont toujours restés proches ?

Oui, ils ne se sont jamais perdus de vue même s’il y a eu des longues périodes de latence. Il y avait toujours le téléphone, fax, mail...

Et Johnny lui-même a toujours cultivé le mystère en restant flou sur Catherine Deneuve et évoquant seulement que sa Lady était une grande actrice française ?

Oui, il le voulait. Il avait exigé ça de son attaché de presse, de ses potes et elle, tout le monde avait peur car c’est quelqu’un de très procédurier quand il s’agit de sa vie privée. Donc il y avait une sorte de double barrière. Donc, c’était des amis, une belle amitié et ça tournait autour du pot !

Mais alors la réalité, la vérité, quelle est-elle : c’était une histoire d’amour ?

Pour moi c’était une belle histoire d’amour-amitié qui a démarré il y a près de cinquante ans ! Quand ils se sont rencontrés à 18 ans sur le tournage des « Parisiennes » en 1961. Ils se sont d’emblée très bien entendus.

Tu as prévenu Catherine Deneuve de la sortie du livre ?

Je ne préviens jamais (rires). Plus sérieusement, je ne préviens pas car c’est le début de toutes les emmerdes : on va t’interdire de dire ceci-cela, tu vas avoir des avocats et en plus comme je n’ai que des belles choses à dire je ne vois pas où est le problème ! On verra bien. Idem pour Laeticia à qui je n’ai rien dit non plus. Catherine Deneuve a reçu son livre le 26 ou 27. Laeticia également mais je n’ai prévenu personne.

Tu as un peu peur de leurs réactions ?

Mais peur de quoi ? Je raconte une belle histoire. Je ne crache pas sur les gens, je ne touche à rien ni aux réputations. Je me contente de relier des points de suspension entre eux.

Et pour celles et ceux qui sont fans de Johnny, est-ce que dans ton livre « Lady Lucille » on découvre encore « un nouveau Johnny » ?

Oui bien sûr, c’est pour cela que je l’ai écrit également. Johnny était ce qu’il était : il pouvait être un diable, un démon, un manipulateur, etc. Mais c’était aussi quelqu’un de très tendre et à travers cette relation qu’il a eue avec Deneuve, on retrouve cette tendresse. Et puis je suis content aussi parce qu’on ne parle plus trop de Johnny en ce moment sous de mauvais prétextes, notamment via les histoires d’héritage de famille qui ne nous regardent pas d’ailleurs... J’avais envie de continuer à entretenir la légende en racontant une histoire différente.

Qu’est-ce que t’aurait dit Johnny selon toi s’il avait lu ton « Lady Lucille » ?

(Imitant parfaitement la voix de Johnny) « Ah c’est d’enfer trankilo ! ». (Rires).

« Trankilo», c’est-à-dire tranquillement ?

Non, Trankilo c’était mon surnom ! Un jour, alors que nous étions au Venezuela, nous avions été invités par le ministre du tourisme dans un superbe restaurant où nous avions les pieds dans le sable et le mec n’arrêtait pas de ponctuer ses phrases de « tranquillo». Et nous, ça nous faisait beaucoup rire. Et à un moment donné, ce monsieur s’est retourné vers moi en me demandant ce que j’en pensais. Et j’ai répondu : tranquillo ». Tout le monde s’est marré et depuis je suis devenu « Trankilo ».

Il y a eu un gros travail de documentation sur le livre, tu as travaillé seul ?

Non, Patrick (ndlr : Mahé) m’a beaucoup aidé et nous avons eu accès à beaucoup d’archives top secrètes. J’avais gardé aussi de ses anciens chauffeurs, secrétaires et hommes d’affaire des premiers cercles de Johnny, beaucoup de témoignages. Mais je n’ai trahi personne, ce sont des choses qui m’ont conforté dans ce que je savais déjà. J’ai surtout tout remis dans l’ordre et dans le livre !

Comment as-tu rencontré Johnny ?

J’ai connu Johnny en 1987 grâce à Patrick Mahé. On avait fait un déjeuner dans un restaurant vietnamien avec Long Chris (ndlr : Christian Blondieau), sa fille Adeline, Johnny, Patrick Mahé et moi. Ça a matché tout de suite. À l’époque, il habitait chez les Blondieau et il commençait à s’intéresser à Adeline. Et moi j’étais très pote avec elle, je le suis toujours d’ailleurs. J’ai commencé à faire pas mal de séance de photos et je lui ai demandé de faire la couverture d’un de mes bouquins sur des bottes. Il a accepté puis bien aimé. On avait les mêmes centres d’intérêts.

(À gauche) Christian Audigier et Gilles Lhote. (À droite) Gilles et ses potes entre Rio, Los Angeles ou dans le désert de Mojaves : Johnny, Jean-Claude Van Damme, Christian Audigier et le photographe Renaud Corlouër au carnaval de Rio (assis au premier plan).


C’est-à-dire ?

L’Amérique, Los Angeles, les bottes, les blousons, les jeans, la route 66... On avait aussi un pote en commun dans le sud de la France qui était Christian Audigier.

C’est Johnny qui finalement t’a fait aimer l’Amérique ?

Ça faisait partie de mes centres d’intérêt mais j’avais eu la chance quand j’avais 13-14 ans de gagner un concours de photo à l’école (ndlr : avec un Kodak à soufflet). C’était sponsorisé par UCLA. On était quatre français - deux parisiens, un mec de Montpellier et moi de La Rochelle - à avoir gagné un voyage de trois mois aux États-Unis. On est partis en paquebot sur Le Flandre et on est revenus sur Le Liberté. On a été à New-York, Philadelphie... J’ai adoré car à l’époque j’étais très fan de Johnny et je retrouvais un peu là-bas son univers ! Le mec avait beau avoir à peine 4-5 ans de plus que moi mais à ces âges-là, c’est-à-dire moi 13 et lui 18, c’est plus du tout la même limonade ! Je me souviens des motos Harley... J’ai kiffé grave et je me demande même si je ne suis pas devenu journaliste pour revenir aux États-Unis !


C’était ton « idole des jeunes » ?

J’avais trois idoles quand j’étais môme : Johnny Hallyday le mec sur qui j’ai enquillé mes santiags, Mohammed Ali pour son charisme et le commandant Cousteau après avoir vu au cinéma « Le monde du silence » (ndlr : sorti en France en 1956, cf photo ci-dessus). La mer m’attirait, raisonnait en moi qui suis né à La Rochelle et qui suis Scorpion (ndlr : signe d’eau). J’avais « soif » de large, d’eau et j’ai réussi à vivre ce rêve dans le surf et Windsurf pendant 10 ans. Ainsi, j’ai accompagné Arnaud de Rosnais sur ses traversées pendant quatre ans (ndlr : pionnier de la glisse. Arnaud de Rosnay est une légende dans le monde du surf et du Windsurf. Sa disparition le 24 novembre 1984 dans les eaux troubles du détroit de Formose entre la Chine et Taïwan fera couler beaucoup d’encre). J’étais son photographe témoin. Comme Johnny, il avait une aura très forte. Tout cet univers, les vagues géantes, Hawaï... c’était ma came et ça a été une période très importante pour moi.

Et Los Angeles, ça a été aussi ta « came » ?

Oui, ça a été un grand coup de cœur aussi. À chaque fois que je retourne là-bas, je me prends toujours un shoot d’énergie ! J’adore toujours les États-Unis malgré ce gros c... de Trump. Et puis, même si tu cherches un peu plus qu’avant le rêve américain, dès lors que tu sors des grandes agglomérations, il est de nouveau à chaque coin de rue !

Tu habites toujours là-bas ?

Non j’ai habité quatre ans à L.A et quand Christian Audigier est mort (ndlr : créateur de mode français, il a bâti son entreprise aux États-Unis notamment avec les marques Von Dutch et Ed Hardy et il est mort à Los Angeles le 9 juillet 2015), je suis revenu en France.


Le jardin Majorelle au Maroc. (À droite, de haut en bas) Gilles Lhote dans le désert de Mojaves; avec sa fille Morgane sur la plage de Malibu puis dans l’avion qui le mène à Saint-Barthélémy, île française des petites Antilles.


Pourquoi ce retour en France ?

J’aurais dû y rester parce que ma fille Morgane travaille là-bas (ndlr : son fils Donovan, lui, vit à Tokyo) mais j’avais envie de revenir. Los Angeles, c’est bien d’en partir et d’en revenir. C’est un peu creux à la longue. J’ai toujours fait ça et j’aime bien partir régulièrement en expédition.

Tu pourrais y repartir dans quelques années ?

Non, parce que je n’ai plus trop de trajet devant moi mais je me vois bien terminer ma vie dans un village de pêcheurs au Maroc, au bord de la mer comme à Taghazout par exemple (ndlr : situé sur la côte atlantique du Maroc, au nord de la ville d'Agadir). Le Maroc c’est ma troisième maison.

Qu’est-ce que tu aimes là-bas ?

Tout (rires) ! Tu as beaucoup d’États-Unis au Maroc via les paysages : l’architecture de terre, les roches rouges, les vagues, etc. Le Maroc, c’est le désert, la mer, la montagne aussi, la gentillesse des gens, le climat de folie...

(En haut) Un parterre de fleurs sur la tombe du rockeur à Saint-Barth, au cimetière de Lorient. (En bas) « Chez Jojo Burger », le café-restaurant en face du cimetière; Gilles Lhote et son ami de Saint-Barth, Jean-Pierre Millot.


Et Saint-Barthélémy ?

J’y vais tous les ans. Mais là, au vue de la période sanitaire actuelle, je ne sais pas si je pourrais y aller... Là-bas, on a un pote avec Johnny qui s’appelle Jean-Pierre Millot qui est éditeur. C’est lui qui s’occupe de la tombe de Johnny. C’est un peu « le gardien du temple ».

C’est aussi une autre de tes destinations cultes ?

J’ai un vrai attachement pour Saint-Barth’, j’y vais depuis 74. J’ai fait mon premier reportage à Saint-Martin. À l’époque, il n’y avait pas encore d’aéroport, juste une piste d’atterrissage et la douane était une cabane en bois (rires). J’ai eu un vrai coup de cœur pour cette île où je me sens très bien. Il y a des forces telluriques là-bas comme à Los Angeles ou au Maroc. Ou encore Santa Fe qui est une ville d’énergie.

C’est toi qui a fait découvrir cette île à Johnny ?

Non, il la connaissait déjà car il avait fait une croisière là-bas. C’est là où il a eu envie d’acheter une maison. Il était tombé amoureux de cette île et de ce petit village de Lorient (ndlr : où il repose). Tous les ans, je venais en vacances, on se retrouvait avec Johnny et Jean-Pierre Millot pour l’anniversaire des gamines (ndlr : Joy et Jade nées respectivement les 27 juillet et 3 août) et à chaque fois, l’île se transformait en une fête géante. C’était lui qui mettait l’ambiance, c’était le patron !


« C’est un cimetière de rêve » à l’image de ces photos où repose la légende Johnny et où viennent en pèlerinage des fans.


Tu penses qu’il il est bien là où il est enterré ?

Ah il est au top ! À chaque fois que l’on passait devant le cimetière en voiture, il nous disait avec Millot : « je veux être là plus tard. Je serai peinard, je prendrai mon hamburger (ndlr : en face du cimetière, se trouve un café -resto nommé « Chez Jojo Burger », cf photo), je verrai la mer et mes filles jouer sur la plage ».

C’était un véritable testament oral ?

Mais nous on croyait qu’il rigolait... en fait non ! Plus tard, Millot a fait toutes les démarches nécessaires pour qu’il soit enterré là-bas et j’ai trouvé bien que Laeticia respecte ses dernières volontés. Ce qui n’était pas évident pour quelqu’un comme Johnny...

Pourquoi, parce qu’il loin de ses fans ?

Oui, parce que normalement pour tout le monde, les fans, etc. Il aurait dû être enterré au Père-Lachaise ou quelque chose comme ça ! Or là où il est, il ne peut être mieux : c’est un cimetière de rêve. Un petit cimetière marin sublime. Là-bas, ce n’est pas la mort qui y règne mais la joie, la paix. Il y a le vent qui souffle sur les alizés, les couleurs...



Tu l’as suivi durant ses deux dernières années pour Paris-Match, comment as-tu vécu sa disparition ? Tu penses souvent à lui ?

Je l’ai revu l’été d’avant à Saint-Barth au mois d’août 2017 quelques mois avant sa mort. Il était (silence)... flambant ! Il étais assis sur un banc, il avait un superbe Stetson en paille sur la tête et attendait Laeticia sous un beau coucher de soleil. Il était certes mince, bronzé mais pas maigre. Et je me suis dit : « mon pote, il va s’en sortir ! ». J’étais en train d’écrire un bouquin sur lui, « Le guerrier » (ndlr : Éditions Robert Laffont, 2017) et le livre est sorti une semaine avant sa disparition... La nuit où il est mort, j’ai très mal dormi. J’étais mal et à 4 heures du matin, le téléphone a sonné et j’ai appris sa mort... Ça m’a vraiment choqué.

Tu penses souvent à lui ?

Oui, très souvent. Je rêve souvent de lui mais que des rêves bien, marrants, disjonctés comme nous l’étions ! De plus, mon pote Jean-Pierre (ndlr : Millot) m’envoie très souvent des photos de la tombe de Johnny qui est gaie et rock’n’roll. C’est très émouvant, tu peux y rester une heure : il y a des bougies, des fleurs des guitares, des colliers, des galets écrits... ! Ce sont des choses qu’il n’aurait pas pu avoir à Paris parce qu’on l’aurait dépouillée ! C’est une tombe qui est habitée.

Tu vas donc à chaque fois le voir quand tu es là-bas ?

Oui j’ai un petit hôtel qui est juste sur la plage et qui est à 50 mètres de la tombe donc le soir avec mon pote on prend un petit verre de rhum et on discute sur sa tombe. On parle avec les fans car il y a beaucoup de monde. Les personnes sacrifient leurs économies pour venir se recueillir comme un pèlerinage !

Comme pour Elvis Presley ?

Oui, il a cette même aura ! C’était un artiste exceptionnel et unique.

Qui pourrait trouver sa relève ?

Non, de même qu’il n’y a pas eu un nouveau Bashung ou un nouveau Gainsbourg. Johnny il n’y en a qu’un !

C’est quoi ta playlist collector ?

Pour moi « Johnny, reviens ! Les rocks les plus terribles » (ndlr : sorti en 1964) est fabuleux car il rend hommage aux pionniers, à Chuck Berry, à Elvis Presley, etc. C’était le seul à pouvoir faire ça ! Comme lorsqu’il interprète « Excuse-moi partenaire » (ndlr : 1964) où il chante le blues parfaitement bien et enfin la chanson « Hey Joe » par Johnny (ndlr : « Hey Joe », de Jimi Hendrix est adapté par Gilles Thibault pour Johnny en 1967) qui correspondait à une période de ma vie que j’ai adorée : c’était une adolescence un peu débridée. J’adorais la chanson d’Hendrix comme la sienne.

Tu as encore d’autres idées de livres sur lui ?

Oh il doit y’avoir encore un truc qui traîne oui (rires).


Un grand merci à Gilles Lhote.


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